Qui ne durcira plus. Devenue comme une argile où le regard à satiété s’enfoncera pour y fonder ses demeures. Voilà : une boue colle à l’œil de la mémoire. Pétrie des surfaces qu’elle a lues, des courbes qu’elle a lissées, des haleines qui ont embué sa cornée. De tout le vu, le donné, le senti, l’oublié.
Un jour la main s’est alourdie sur la spatule, a peigné l’herbe, dilué la moire de la mer, a respiré la poussière ruisselante du soleil, s’est dissoute dans la profondeur lège de l’air. Prenant appui sur le monde, elle a fait de l’étendue visitée le corps d’un séjour, le lieu frémissant d’un défrichement. Etre le bélier de la lumière. Ou la vibration de l’eau. L’herbe. Comme on avait déjà tenté d’être la ténacité du brise-lame, la panique des pierres traquées, et toute cette gradation inqualifiable : les pourquoi, alors, peut-être, maintenant, que le peintre envisage comme seuls titres possibles pour ses Compositions.
Jean-Claude Schneider
Avant-propos du catalogue de l’exposition de Nicolas de Stael
Hôtel de Ville de Paris
1994